Nouveaux modèles #3 : le Profil Grec d’Alexandros Rallis

Cette année 2020, nous avons lancé NOUVEAUX MODÈLES, une série de portraits et d’interviews de personnes et initiatives qui dessinent les contours du monde de demain. Mode, food ou design… comment peut-on produire différemment ? Quels sont ceux qui font bouger les lignes, et pourquoi ?

Avec Profil Grec, Alexandros Rallis fait le pont entre Paris et Kalamata et oint nos assiettes du meilleur de la Grèce. De l’huile d’olive « parcellaire », produite main dans la main avec des producteurs locaux, de la feta toute fraîche, des sardines saumurées, du miel et quelques brins d’origan cueillis à pleine main, et qui traversent la Méditerranée grâce à lui.

À découvrir : l’e-shop de Profil Grec

Paris 20e, à midi. Il fait chaud. Très chaud. Alexandros Rallis nous accueille dans son antre du goût, quelques mètres carrés d’un espace à mi-chemin entre le bureau, le cabinet de curiosités et l’épicerie de quartier. Au menu du jour : sourire en coin, attitude débonnaire, et des gestes larges, qui accueillent, qui « font place ». Né en 1984 à Paris de parents grecs nés en France, Alexandros Rallis navigue entre les deux pays depuis son plus jeune âge. Après ses études, il décide de sceller son amour pour ces deux contrées grâce à l’huile d’olive. “Je cherchais un prétexte pour revenir en Grèce plus souvent. Un hiver, la vue des oliviers m’a fait réaliser que je l’avais sous les yeux depuis le début.” L’aventure Profil Grec commence ainsi, en 2008 dans les champs d’oliviers de Kalamata. En direct des producteurs, il sélectionne avec eux une huile « parcellaire », traitée comme un grand cru, sans mélange ou assemblage. En 2009, il revient à Paris avec ses premiers bidons d’huile, qu’il vend immédiatement à des restaurateurs de renom, comme Iñaki Aizpitarte du Chateaubriand, à Paris. “Je frappais à la porte, je faisais goûter l’huile, on m’en achetait. Ensuite, les chef.f.e.s ont commencé à me demander des produits grecs spécifiques, comme des olives de Kalamata. Je suis donc reparti là-bas, à la recherche de nouveaux producteurs grecs et de produits de qualité. Rien n’était calculé, jamais.” De ses allers-retours permanents, il rapporte désormais de la feta, du miel, des herbes séchées, du piment torréfié, des saucisses ou des sardines, sans oublier une poutargue luxueuse… Des produits d’exception qui séduisent les restaurateurs comme les amateurs aussi soucieux et passionnés que lui. Son ambition ? Répondre à tous les amoureux de bons produits, quelle que soit leur bourse : “On travaille aussi bien avec des restaurants qui font des formules à 12 euros qu’avec ceux dont le menu dégustation est à 300. Le bon ne doit pas être élitiste, c’est l’affaire de tous.

Dans un Paris aux airs de village

En 2016, il ouvre la boutique Profil Grec, nichée dans une rue calme du 20e arrondissement de Paris. Un lieu hybride, entre bureau et épicerie. “C’est un modèle que je veux conserver, car l’épicerie généraliste n’est pas forcément ce qui m’attire. J’ai envie de garder le contact avec les gens qui sont à la recherche de produits uniques.” Prendre le temps, faire goûter, discuter, à contre-courant de la consommation toujours plus rapide des enseignes de la grande distribution pour amener, au détour d’un filet d’huile, un peu de la douceur de vivre à la grecque.

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Une culture « parcellaire » des oliviers

Et si les particuliers viennent de loin pour toquer à la porte du 7 rue Savies, l’huile d’olive Profil Grec -le seul produit siglé de la maison- y est pour beaucoup. Tout droit venue de Kalamata, elle se distingue par une culture parcellaire, avant d’être directement mise en bidon. Quand la très grande majorité des huiles d’olive du commerce sont mélangées, Alexandros en a fait un produit d’exception, en quantité limitée. “On a presque vinifié l’huile d’olive, en travaillant sur un cépage de Koronéïki. Grâce aux variations des sols de Kalamata, nos huiles sont très différentes d’une parcelle à une autre. Et quand il n’y en a plus, il faut attendre l’année prochaine.” Fort de ses connaissances empiriques de goûteur émérite, Alexandros a ses critères pour arriver au produit parfait : “Je recherche le vert, l’amertume et surtout la longueur en bouche, toujours signe d’un produit soigné, choyé, bichonné.”

La vida locale

Le confinement a été l’occasion, pour lui et son équipe de se réinventer pour faire face à la crise. Inspiré par les vendeurs d’huile d’olive du siècle passé, qui partaient de Kalamata le matin pour vendre leur huile d’olive au porte à porte à Athènes, Alexandros s’est mis à la livraison à domicile pour les particuliers avec un succès certain. Désormais adoptée post-confinement, ses produits font ruisseler les trésors de la Grèce dans toute la France. Le monde d’après ? “J’aimerais que les gens consomment autrement, avec des choix plus réfléchis, en comprenant que leur acte d’achat est aussi un choix politique. Et que ce n’est pas qu’une préoccupation de privilégiés : je travaille en ce moment à une nouvelle tarification avantageuse pour les travailleurs précaires, les étudiants, les RMistes. Le bon est un engagement.

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